5 astuces pour préparer son chien à une performance
“Pour atteindre l’objectif final, je me concentre d’abord sur la préparation.”
(David Douillet)
Pourquoi un des judokas les plus titrés de l’histoire avec 2 titres Olympiques, 4 fois champion du monde, s’est concentré autant sur la préparation ?
Peut-être parce que cette étape est sûrement la plus importante pour tous les « perfomers », qu’ils soient sportifs ou artistes. Dans cet article, nous allons essayer d’analyser et de transposer cette notion de préparation à notre monde de « performer animalier » .
Que vous vouliez monter une chorégraphie avec votre chien, lui faire passer un casting pour du cinéma, gagner une compétition, intervenir dans un grand show à Las Vegas, vous allez avoir besoin d’une bonne préparation !
Je vous propose donc d’aborder ce sujet en 5 points, qui me semblent incontournables pour réussir votre performance le Jour J avec votre chien :
- Se fixer un objectif
- Créer votre partition détaillée pour effacer le doute !
- Booster votre fiabilité
- Toujours avoir un plan B fiable pour éviter d’avoir une pression démesurée
- Bétonner un ancrage
1. Se fixer un objectif
Cela peut sembler évident, si on se prépare, c’est que nous avons un objectif !
Mais l’avons nous défini assez précisément ?
Pouvez-vous décrire ce que vous voulez atteindre ?
Si vous dites : je vais en vacances en Espagne. En réalité, votre destination est plus précise que ça. Sinon, passé la frontière, vous seriez arrivé. Pourtant, vous allez sûrement à une adresse précise d’un gîte que vous avez loué, ou un hôtel, ou autre…
Et bien voilà, votre objectif c’est votre destination, et il doit être précis ! Vous devez savoir exactement ce que vous souhaitez faire et ce que vous attendez de votre animal avant de vous lancer dans la préparation.
C’est la raison pour laquelle je place ce point avant les autres.
En fin de compte, peu importe l’ambition de votre objectif, il faut ABSOLUMENT qu’il soit très clair. En effet cela va vous permettre :
- Améliorer la concentration
En connaissant exactement votre objectif, vous allez automatiquement évaluer ce qui est important et ce qui l’est moins. Vous allez mieux gérer votre temps, et vous serez donc en mesure d’être plus concentré sur ce qui a réellement du sens pour vous et votre animal.
- Rendre plus précis votre entrainement
Quand vous connaissez exactement le but à atteindre, vous allez trouver avec plus de précision ce que votre duo doit travailler pour réussir.
- Booster la motivation
Il n’y a pas photo, avoir un objectif est une source de motivation incroyable ! Devenir acteur d’un petit comme d’un grand projet vous oxygènera à coup sûr ! Ce sentiment positif se répercutera sans aucun doute sur votre animal.
- Augmenter la confiance en soit
Si votre objectif est bien défini, vous serez capable de savoir si vous l’avez atteint. Et à chaque réussite, vous allez acquérir de l’expérience. Ces expériences sont probablement le meilleur terreau pour faire pousser votre confiance en vous ! Ce qui est important pour que votre animal ai confiance en ce qu’il fait.
En ce qui me concerne, par l’intermédiaire du spectacle ou du cinéma j’ai pu approcher 2 grandes familles d’objectifs :
- Les objectifs des spectacles que je produisais, que je me fixais moi-même
- Les objectifs du cinéma, qui m’étaient fixés par le réalisateur
A bien considérer les choses, j’ai appris à quel point définir clairement l’un ou l’autre de ces objectifs m’a permis d’avancer.
Je me suis dépassé, j’ai gagné en expérience mais surtout, j’ai augmenté ma confiance en moi pour attaquer des objectifs de plus en plus difficiles.
Ça m’a permis de pouvoir réaliser des numéros avec 5 chiens, en Zénith, devant 4000 personnes.
Il est donc primordial de commencer par des objectifs simples et assez rapides à atteindre. Vous pourrez ainsi les réaliser et gagner en confiance pour voir un peu plus grand au fur et à mesure. Au bout du compte, vous serez capable d’accomplir d’atteindre des objectifs complexes, qui vous demanderont une planification sur une année, voire plus.
Alors, il existe bien sûr des techniques pour s’aider à fixer de bons objectifs, moi j’en utilise une en particulier que je trouve très efficace : la méthode SMART. Si c’est un sujet qui peut vous intéresse, je pourrais éventuellement vous le partager dans un futur article. N’hésitez-pas à me le demander !
Maintenant que vous avez un objectif, voyons comment vous allez gagner en assurance.
2. Créer votre partition détaillée pour effacer le doute !
Tout d’abord, qu’est ce que j’appelle « une partition détaillée » ?
Ce n’est en fait qu’un listing de toutes les actions de ma performance dans l’ordre d’exécution. Moi par exemple, j’utilise un bête tableau deux colonnes :
- une avec les actions du chien,
- l’autre avec les signaux donnés au chien pour qu’il exécute l’action.
Vous pouvez étoffer en ajoutant des colonnes pour vos actions et vos tops.
Avant d’aller plus loin, il faut savoir que des travaux scientifiques ont démontré que le chien ajuste son comportement en fonction du comportement de l’humain (C Duranton, T Bedossa, F Gaunet – Animal Behaviour, 2016). Ce phénomène est appelé le référencement social. En d’autres termes, votre émotion peut être contagieuse !
C’est pourquoi, si vous doutez lors de votre performance, votre chien se mettra lui aussi à douter. Il hésitera, perdra son timing ou commettra une erreur sur une action qu’il a pourtant toujours maitrisé.
Devinez quoi ? Si votre chien doute, vous allez douter, et il va encore plus douter, et c’est parti pour la spirale infernale !
Comment éviter que mon chien doute ?
Et bien c’est là que notre fameuse partition détaillée entre en jeu : Faites-la et apprenez-la parcoeur. N’hésitez pas à aller dans le détail, vos gestes, vos regards, vos déplacements, les signaux que vous donnez au chien.
Ensuite, répétez sans votre chien jusqu’à être capable de faire tout votre enchainement dans le détail sans réfléchir.
En théâtre, il y a un bon exercice pour vérifier que vous connaissez bien votre partition, et il peut s’appliquer dans votre cas de figure : « La répétition à l’Allemande »
Cela consiste à répéter, sans le chien, tous vos déplacements et vos mouvement en mode rapide. Vous devez être capable d’aller au moins 2x plus vite que votre vitesse normale. Si vous utilisez des signaux vocaux, surtout répétez avec et dans le bon timing, même si c’est en accéléré.
De cette manière, vous éviterez de douter le moment venu car vous connaissez par coeur ce que vous avez à faire, autrement dit, vous êtes prêt !
Passons à une astuce qui vous donnera une fiabilité technique à toute épreuve !
3. Booster votre fiabilité
La fiabilité, une « assurance performance » ! Comment s’assurer que ce que nous avons préparé avec notre animal se déroule comme prévu ?
C’est une question à laquelle j’ai fini par répondre après quelques moments douloureux lorsque j’étais jongleur. La jonglerie est sûrement une des disciplines les plus ingrates ! J’ai passé des centaines d’heures d’entrainement à répéter mes mouvements jusqu’à ce qu’ils soient parfaits. Pourtant, le jour J, la moindre petite imprécision et c’est une balle qui tombe. Tout le monde la voit, elle est là, par terre, la preuve de mon échec.
Intérieurement je bous, j’ai envie de quitter la scène, je ne me sens pas digne d’être là. Mais « the show must go on », alors je ramasse ma balle et je continue craignant que ça retombe. Ce qui arrive, car je suis déstabilisé mentalement et ça peut continuer comme ça de pire en pire jusqu’à la fin du numéro.
J’ai donc voulu trouver une solution à ce problème et c’est ce que j’aimerais vous présenter !
En testant différentes choses, j’ai fini par trouver un principe fondamental qui, pour moi, a fonctionné. Si bien que je l’ai immédiatement transposé dans mon travail avec mes chiens et je l’applique encore aujourd’hui :
Si le point culminant de votre talent est à 100 %, alors n’en montrez que 60 % lors de votre performance.
Si nous prenons le problème à l’envers, cela veut dire que vous devriez être capable de faire à l’entrainement des choses 2 x plus compliquées que ce que vous ferez lors d’une performance.
Par exemple si vous devez donner une commande à votre chien à 6 m dans votre performance, à l’entrainement vous devriez pouvoir le faire à 10 ou 12 m.
Dans mon cas, si je devais jongler pendant 1 minutes à 5 balles dans un spectacle, je devais être capable de jongler pendant 2 minutes à l’entrainement.
Cela avait 2 répercussions positives, l’une physique et l’autre mentale :
- Physique car mon corps était techniquement capable de faire le double donc même avec un peu de fatigue ou de stress cela me laissait une plus grande marge avant d’être en danger.
- Mentale car comme je savais faire plus compliqué, j’abordais la performance de manière plus sereine. Avec du stress bien sûr, mais le bon !
Concrètement, et pour revenir à votre chien, vous pouvez donc prendre chaque comportement que vous allez utiliser dans votre performance. Ensuite, vous allez vous assurer que votre chien est capable d’exécuter chaque comportement en doublant les 3 D (Distance, Durée, Distraction).
- 2 x plus loin ou/et 2 x plus près (selon ou se situe la difficulté)
- 2 x plus longtemps
- 2 x plus de distractions autour de lui
Faites vous un programme d’entrainement progressif pour y arriver.
Une fois maitrisé, et quand vous reviendrez à la version « normale » lors de votre performance, vous serez vous-même plus confiant(e) et serein(ne) et votre chien pourra mieux s’adapter s’il rencontre des difficultés dues à l’environnement.
Maintenant que la partie technique a été vue en long, en large et en travers, voyons comment prévoir les imprévus, pour gagner en sérénité le jour J.
4. Toujours avoir un plan B fiable pour éviter d’avoir une pression démesurée
Quand j’ai coaché La Fox Cie sur son spectacle « L’ombre du trésor », j’ai identifié quelques passages à « risques élevés ». C’est à dire des passages qui peuvent bloquer le spectacle si ils ne sont pas réussis. Il faut savoir que cette performance faisait intervenir 1 chien et 1 comédien sur une durée de 35 minutes.
À titre d’exemple, laissez moi vous citer un passage du spectacle : un passage : le personnage doit envoyer de la dynamite (de la fausse bien sûr 😉 ) à proximité du chien et se cacher derrière un mur à quatre pattes en se bouchant les oreilles.
Au signal, le chien doit prendre la dynamite et la poser dans le dos du comédien, puis retourner à son emplacement. Le signal du chien (aussi appelé « top ») pour cette action est le geste du comédien qui se bouche les oreilles en se mettant à 4 pattes derrière un mur. Il fait mine de se protéger.
La dynamite explose donc à l’endroit du comédien et le spectacle peut continuer
Vous voyez ce qui peut arriver ?
Si le chien ne prend pas son top, ou ne ramène pas au bon endroit la dynamite le spectacle est totalement bloqué car la suite repose sur le fait que la dynamite explose sur l’aventurier.
Que faire dans ces moments là ?
Il faut prévoir en amont un plan B qui permettra de ne pas porter préjudice à votre performance.
Dans notre cas, voici ce que nous avons élaboré comme plan B : (à savoir que l’esprit du numéro était très « cartoon »)
– l’aventurier faisait mine qu’il ne comprenait pas pourquoi la dynamite n’a pas explosé
- il allait rechercher le bâton de dynamite, et vu qu’il ne fonctionne pas, il le jette par dessus son épaule en faisant en sorte qu’il atterrissage derrière le mur où il se cachera
- il sort un deuxième bâton de dynamite de sa poche et le repose près du chien et va se cacher derrière le mur en se bouchant les oreilles
- le chien à donc une deuxième chance de faire son action
- si le chien ne fait rien il y aura quand même l’explosion prévu du côté de l’aventurier
- on comprendra alors que c’est le premier bâton de dynamite qui avait été jeté du côté du mur qui a explosé et le gag à la façon cartoon fonctionne quand même.
Ce plan B permet de continuer la scène, de préserver l’esprit cartoon du spectacle et permet de dissimuler aux yeux du public l’erreur commise par le duo.
En résumé, il faut :
- Identifier les moments de votre performance les plus risqués
- Prévoir pour chacun un plan B que vous êtes sûr de pouvoir maitriser
Avec ce cran de sûreté supplémentaire, cela évitera de vous mettre une pression trop grande, vous savez que quoi qu’il arrive vous pouvez vous en sortir !
Comme vous êtes encore là, je vais vous partager un dernier conseil. Celui-ci peut sembler optionnel mais c’est pour moi le plus fondamental pour assurer une coopération saine avec votre animal.
5. Bétonner un ancrage
L’ancrage consiste à créer un réflexe pour obtenir un état émotionnel.
Ce terme vient du comportementalisme et a été aussi repris par la PNL (Programmation NeuroLinguistique). Cette notion est une application du conditionnement classique. Vous en avez sûrement déjà entendu parler par la célèbre expérience de Pavlov sur la salivation des chiens. Je ne développerai pas ce sujet ici mais vous trouverez déjà beaucoup d’ouvrages et d’articles qui explique son fonctionnement.
A quoi ça sert ?
Vous devez deviner que malgré tous les conseils précédents, le jour J de votre performance, il y aura quand même des imprévus. Certains peuvent être très impressionnants et avoir même des conséquences importantes sur votre chien, qui peuvent l’amener à se déconcentrer, douter, ou pire : prendre peur. Imaginez qu’il associe par la suite l’environnement de votre performance comme désagréable !
Prenez bien en compte que vous ne contrôlerez jamais l’environnement à 100 % !
Et bien c’est là qu’intervient votre ancrage ! Il vous permettra de remettre rapidement votre chien dans la bonne émotion. Votre compagnon de jeu va pouvoir se recentrer sur vous, et rester dans une énergie positive.
Dans certains cas, un ancrage puissant peut même éviter que votre chien prenne peur d’un événement extérieur inattendu.
Un des exemples les plus marquant, qui a certainement sauvé la carrière d’un de mes chiens :
Filix devait avoir 2 ans, il était encore en formation et je commençais à l’emmener avec moi lorsque l’on allait en spectacle pour qu’il s’habitue à l’environnement. Ce jour là, je suis dans une fête médiévale et il m’accompagne pendant la pause déjeuner.
Je m’installe avec mes collègues à une table en extérieur, sans savoir que derrière la place ou j’étais, se préparait une démonstration de tir aux canons. La déflagration est impressionnante en général, même quand on est au courant, on sursaute !
J’entend donc le BOUM, tout le monde à la table s’est fait surprendre ! En quelques secondes j’identifie ce qui se passe, j’évalue ce que ça peut engendrer chez Filix :
Il pourrait associer cette sensation désagréable à l’environnement des spectacles, prendre peur et développer un stress à chaque fois qu’il se retrouvera dans cette ambiance.
Avant même qu’un moindre doute s’installe, je saute de joie et je fais passer Filix sous mes jambes.
A ce moment là, personne autour de moi ne comprend mon comportement. Et je recommence à chaque coup de canon.
Et oui, je viens d’utiliser l’ancrage. Préparé depuis son plus jeune âge, il est pour lui de passer entre mes jambes. Filix se met systématiquement dans un état émotionnel de plaisir intense.
Le canon est donc devenu « l’annonciateur » de ce bon moment.
C’est grâce à ça qu’il n’a pas basculé dans une émotion négative, et qu’il a pu devenir un performer sans peur et sans reproche ! Bon j’ai du donner aussi quelques explications à mes collègues après coup 😉
Je ne peux donc que vous conseiller de prévoir dans la formation de votre animal un ancrage puissant. J’aime à dire « à l’épreuve des balles ».
Mon exemple est un peu extrême et, bien sûr, il n’y a pas besoin d’en arriver là pour utiliser cette technique. Dès que vous voyez votre chien inquiet, rassurez-le, le plus vite possible, en utilisant votre ancrage !
Allez, un dernier conseil ?
Créez au moins un ancrage que vous puissiez déclencher sans accessoire, sans nourriture, sans rien. En somme, si vous voulez qu’il soit vraiment utile vous devriez pouvoir l’utiliser à n’importe quelle moment, même si vous n’êtes pas équipé.
En conclusion
Après avoir analysé mes expériences, les 5 astuces que nous venons de voir sont celles qui me semblent les plus importantes. Je les considère comme des principes à suivre pour bien se préparer à une performance avec son animal :
- Définir ce que l’on veut atteindre avec nos objectifs
- Créer la partition de notre performance et la connaitre sur le bout des doigts
- Booster notre fiabilité en s’entrainant plus dur que le niveau requis pour la performance
- Prévoir un plan B pour les « zones à risques » dans notre performance afin de gérer son stress
- Créer un ancrage solide afin de s’assurer qu’on pourra garder notre animal en confiance quoi qu’il arrive.
Il ne vous reste plus qu’a essayer ! Dites moi si un principe vous a vraiment aidé, ou si vous avez d’autres astuces de préparations qui vous semblent importantes ?
Super utile merci ! J’adore le principe « Booster notre fiabilité en s’entrainant plus dur que le niveau requis pour la performance » top top ?
Bonjour
Merci pour tout ses articles clairs et instructifs. Je souhaiterais en savoir un peu plus sur la méthode SMART. Merci
Bien à vous
Raphaël
Merci beaucoup pour votre suggestion ! Nous prenons bien note de votre idée pour nos futurs articles. N’hésitez pas à partager d’autres suggestions, nous sommes toujours à l’écoute de notre communauté. 🙏