Comment le théâtre m’a fait progresser avec mon chien ?

On pourrait croire que ces 2 disciplines n’ont rien à voir et pourtant…  Après les avoir côtoyées et mélangées depuis plus de 25 ans, nous avons observé qu’au delà de la mise en scène artistique, les techniques de théâtre peuvent effectivement améliorer notre communication avec notre chien, ou notre communication de façon générale, d’ailleurs.

Mon premier exercice de théâtre

Je me rappelle d’un des premiers exercices que j’ai dû faire en débutant le théâtre :

Entrer en scène

M’arrêter au centre

Regarder le public

Dire : “Bonjour, je m’appelle……, merci, au revoir”

Repartir en coulisse

Aucune interprétation n’était demandée, aucun personnage. Il suffisait juste de communiquer l’information et repartir. Je crois que ça a été ma première claque en théâtre : prendre conscience que quelque chose d’aussi “simple”, devait être en fait si maîtrisée, pour que la communication soit claire.

J’entre donc en scène. Je marche jusqu’au centre en jetant un coup d’oeil à peu près devant moi et je regarde mes pieds de temps à autre. Tout le monde me regarde, je suis donc un peu impressionné. 

Là, le metteur en scène me coupe : « /STOP/ Alors déjà, là, quand tu marches tu le fais de façon dynamique, en déroulant bien la plante des pieds sur le sol, en laissant un ballant naturel de tes bras et surtout tu gardes la tête bien parallèle au sol en regardant toujours le public. »

Bon on recommence. Je rentre sur scène. Je marche comme il faut. J’arrive au centre de la scène, donc, et tout en m’arrêtant, je commence mon texte. 

« STOP / ne fais pas deux choses en même temps, d’abord tu t’arrêtes, tu prends le temps de considérer tout le public et tu commences ton texte. »

Bon c’est reparti. Je rentre comme il faut. Je m’arrête au centre. Je prends quelques secondes pour balayer du regard le public et je donne enfin mon texte, assez rapidement. Je piétine un peu sur place, je cherche comment mettre mes mains, 

« /STOP/ Articule bien et projette le son de ta voix pour qu’il aille jusqu’au public. Arrête de bouger tes pieds, ces mouvements  parasitent l’information, soit juste immobile et naturel. »

Bon on reprend du début. Je fais attention à tout ça et voilà,  je dis “merci et au revoir” tout en me retournant pour quitter la scène, ouf c’est fini

« /STOP/ Donne ton “merci et au revoir” en restant bien immobile, prends le temps de considérer le public le temps d’une respiration, et seulement après tu repars, sinon tu fais encore deux choses en même temps. »

Finalement il m’aura fallu pas moins de 5 ou 6 essais avant de pouvoir juste venir sur scène, me présenter, et repartir en étant parfaitement clair dans ma façon de communiquer. Purée, je n’avais pourtant que 7 mots à dire et aucun personnage à jouer !

Remplaçons le public par le chien !

Vous vous voyez, comme moi à l’époque, en train de vouloir apprendre à mon chien quelque chose ? 

Mais si, vous savez, vous lui donnez un signal avec votre voix. Vous essayez de placer votre corps pour l’aider, sans vous apercevoir que vos bras disent le contraire de vos jambes. Vous êtes un peu stressé ou énervé parce qu’il ne comprend pas, alors votre ton se modifie et pour si peu que vous deviez gérer une récompense et un clicker. Voici une multitude d’informations qui partent en même temps, et certaines sont contradictoires !

Amusons nous à les compter :

1. ma voix donne un mot
2. mes bras donnent une indication
3. mes jambes donnent une autre indication
4. mon stress ou énervement donne une information 
5. mon clicker donne une information
6. la récompense que j’ai laissé à vue, attire la concentration du chien

Vous imaginez ? 6 informations qui sont données quasiment en même temps ?

/Allez le chien, fait le tri de tout ça et bonne chance hein 😉 /

On est tous passés par là et soyons honnêtes, même aujourd’hui, il arrive encore de se retrouver comme une « Poule qui a trouvé un couteau ».  Vous savez, cet état de maladresse lorsque l’on n’est pas assez concentré ou que l’on apprend quelque chose de nouveau. Le principal étant de s’en rendre compte et continuer à s’exercer pour avoir une communication la plus simple possible. 

“La simplicité est la sophistication suprême.”

Comme l’a si bien dit Léonard de Vinci

Paradoxe ? Et oui, communiquer simplement c’est communiquer avec une précision extrême et ça, c’est loin d’être simple !

Ne nous leurrons pas, c’est un vrai travail sur soit, mais ce n’est pas impossible !

Alors comment faire pour améliorer la simplicité des informations que vous donnez à votre chien ?

Tout d’abord pas de panique, dites vous que c’est à portée de main, vous avez d’ailleurs sûrement déjà vécu ça. Par exemple, lorsque vous  avez appris à votre chien quelque chose et que vous avez eu l’impression qu’il avait presque compris du premier coup. À  ce moment là, un sentiment de fierté vous a envahit. Vous étiez convaincu que votre chien était un génie, que vous étiez un coach hors pair, ou même un peu des deux ;). Oui, cette fois là,  il y a de grandes chances pour que vous ayez communiqué de manière simple et précise !

Pour pouvoir reproduire ces moments de grâce, votre premier objectif et d’avoir conscience des 3 éléments fondamentaux qui ont un impact sur l’information que vous donnez :

• Le Corps : votre corps et mobile et chaque mouvement et/ou micro-mouvement donne une information
• La voix : votre voix produit des sons différents qui donnent une information
• L’intention : peut se manifester par la voix et/ou le corps, elle s’identifie à la façon dont vous allez utiliser votre corps et votre voix. En théâtre on l’appelle « l’intention de jeu », qui donne une signification, un pourquoi. L’intention est souvent rattachée à un état émotionnel.

Ce n’est pas clair ? Allez un petit exemple :

Si vous appelez votre chien pour qu’il revienne en vous mettant accroupi, en tapant des mains, et en utilisant une une voix aiguë, limite hystérique, vous utilisez :

• Votre corps : accroupi et tape des mains
• Votre voix : prononce le nom du chien et « viens ici »
• Une intention : joie et excitation, qui se manifeste par la façon dont vous allez vous accroupir et taper des mains, qui va être très dynamique. Ainsi que votre voix qui va utiliser un ton joyeux et excité, donc une élocution plus forte, rapide et plutôt dans les aigüe. 

Une fois que vous avez clairement défini ces 3 notions de communication, votre deuxième objectif sera de les maitriser.

Pour devenir un bon entraineur, voici les compétences sur lesquelles vous pouvez travailler pour rendre la communication avec votre animal encore plus efficace :

• L’aisance corporelle qui permet d’épurer et maitriser votre communication non verbale
• l’expression d’un sentiment par la voix : il s’agit du ton, de l’interprétation ou l’intention vocale que vous employez. Elle donne des informations majeures à votre chien. Un petit exemple pour bien comprendre : vous écoutez la voix d’une personne étrangère. Malgré la barrière de la langue, vous serez tout de même en mesure de ressentir une émotion ou d’éprouver un sentiment.   Canaliser l’expression de vos sentiments et maitriser les techniques d’intentions vont clarifier vos échanges avec votre animal. 
• L’écoute : Etre à l’écoute de votre chien c’est rester ouvert à ses propositions tout en restant concentré sur ce que vous faites. C’est un échange entre lui et vous.
• Innover, c’est être agile mentalement, oser, être créatif pour vous permettre de réagir en fonction des réactions du chien et  de vous adapter
• Le timing : Gérez votre temps ou « timing » : faites chaque chose au bon rythme. Faites vivre la relation avec votre chien, c’est la notion de justesse d’une action

Pour progresser dans ces domaines, je me suis aperçu que le théâtre m’avait beaucoup aidé. En effet, il existe un tas d’exercices ludiques qui m’ont permis d’aiguiser mes compétences et d’améliorer mes techniques de communication. 

Si vous voulez essayer je vous propose un petit exercice en 3 étapes :

Etape 1 : On prend conscience, on s’exerce

Prenons l’exercice dont je vous ai parlé en introduction. Vous allez devoir mémoriser plusieurs consignes et les appliquer. Il sera totalement normal de devoir le faire plusieurs fois, avant de ne rien oublier et d’être complètement à l’aise. Le but étant de vous entrainer à gérer plusieurs informations en même temps, tout en étant conscient de ce que vous faites. Pour ceci vous aurez besoin d’une caméra ou d’un téléphone.

Voici la consigne : 

Décider d’un endroit qui représente la scène et placez votre caméra ou téléphone en face.

Vous entrez sur la « scène » et vous marchez jusqu’au centre, face à la caméra.

Vous vous arrêtez et vous vous présentez d’une manière neutre, :

« Bonjour, Je m’appelle Marcel, j’ai 22 ans, merci, au revoir »

vous repartez et sortez de la « scène »

Prenez connaissance de tous les points dans le tableau ci-dessous et lancez vous !

?	Votre marche est dynamique et déterminée
?	Vous êtes resté neutre pendant tout l’exercice, sans aucune émotion
?	Lors de votre marche, votre menton est parallèle au sol et votre regard est au loin en direction de la caméra
?	Votre regard reste sur la caméra sauf quand vous lui tournez le dos (pas de regard par terre, ou vos pieds ou autre….)
?	Lorsque vous vous arrêtez, vous attendez au moins 3 secondes avant de prendre la parole
?	Pendant votre temps d’arrêt, avant de prendre la parole, vous considérez le public en balayant un regard de gauche à droite
?	Quand vous parlez, vous articulez et vous projetez votre voix comme si vous aviez 50 personnes devant vous
?	Lorsque vous êtes arrêté, vous êtes planté dans le sol, vous ne bougez pas les pieds, pas de piétinement
?	Pendant tout l’exercice, vous avez trouvé une place naturelle pour vos mains, elles ne se mettent pas à bouger sans raison, même lors de votre prise de parole
?	Lorsque vous avez terminé votre texte, vous avez attendu au moins 3 secondes en regardant le public avant de repartir

Visionnez votre vidéo et amusez-vous à le faire jusqu’à ce que vous puissiez cocher toutes les cases du tableau ci-avant.

Personnellement, il m’a fallu pas mal de répétitions avant d’arriver de façon naturelle à une communication épurée sans aucun parasite.

Etape 2 : On active la mémoire musculaire

Maintenant que vous avez conscience de vos 3 outils de communication (le corps, la voix, l’intention), transposons tout ça à un apprentissage avec votre chien. Prenons un exemple très simple pour le test : « Donner la patte ». Avant de prendre votre chien, vous allez devoir répéter ce que vous voulez faire. 

Répétez vos mouvements vous permettra de développer votre mémoire musculaire. Après quelques répétitions, vos actions deviendront presque automatiques. Votre geste sera plus précis et vous aurez besoin de moins de concentration pour l’effectuer. Vous allez donc libérer une partie de votre cerveau qui sera d’avantage disponible pour se concentrer sur votre chien, quand il sera là.

Sans votre chien, mimez comment vous vouliez lui apprendre en l’imaginant à l’endroit où il sera et filmez vous. 

Visionnez la vidéo et vérifiez si vous pouvez cocher tous les points du tableau suivant.

?	Vous avez défini votre espace de travail (l’exercice commence quand vous entrez dedans et fini quand vous en sortez)
?	Vous avez évité de faire 2 gestes en même temps (par exemple : se pencher en avant en tendant le bras ou se mettre accroupi en présentant sa main, bouger la tête etc )
?	Vous avez évité de donner une indication vocale et un geste en simultané
?	Vous avez évité les intonations particulières, votre voix était neutre
?	Votre tête est restée fixe pendant l’exercice
?	Vous avez marqué un temps de pause avant de l’inciter à donner la patte par un geste
?	Vous avez marqué un temps de pause une fois la patte de votre chien reçue
?	Votre récompense est apparue seulement à la fin, elle n’était pas visible par votre chien pendant l’exercice
?	Si vous avez utilisé un marqueur (comme un clicker) il n’a pas été actionné en même temps qu’un geste ou une indication vocale

Etape 3 : On applique avec le chien

Maintenant que vous avez pris conscience et que vous vous êtes entrainé, vous avez le droit de prendre votre chien 😉 

Il y a de grandes chances pour que tout ne se passe pas exactement comme vous l’avez imaginé dans l’exercice précédent. Ce n’est pas grave, maintenant que vous vous êtes un peu libéré grâce à la répétition de certains mouvements récurrents, vous allez pouvoir être d’avantage à l’écoute de votre chien, et travailler sur la compétence d’improvisation. Soyez créatif et adaptez-vous !

Vous pouvez vous filmez encore et vérifiez si même avec votre chien et avec les imprévus, vous pouvez toujours cocher toutes les cases ?

Le champion du monde Julien Lorcy disait 

« En boxe, l’entraînement sert à apprendre et non à réussir. »  

Alors pas de panique, apprenons 😉

Conclusion

Ce qu’il faut retenir, c’est que beaucoup d’éléments peuvent donner des informations quand nous travaillons nos animaux. 

Que vous ayez coché toutes les cases du tableau ci-dessus ou pas n’est pas le plus important. Il ne s’agit pas d’une méthode à appliquer.

Il est essentiel en réalité que vous preniez conscience des cases cochées ou non cochées. Vous comprendrez ainsi sur quoi vous pouvez travailler pour épurer vos échanges. Voilà un des aspects de ce grand principe qu’est la communication et comment il impact nos échanges avec notre animal.

J’espère que ce point de vue abordé par l’angle du théâtre vous aura convaincu. 

Quel que soit son niveau, il est toujours bon de se rappeler, qu’avant de remettre en cause l’intelligence de l’animal, son plan d’entrainement, ou ses capacités d’entraineurs, assurons nous d’abord d’avoir communiqué « avec simplicité ».

Quand vous aurez testé, dites-nous si vous avez trouvé ça facile ou au contraire compliqué. Est ce que vous avez vu des différences entre ce que vous pensiez faire et ce que vous avez fait réellement ? 

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