Comment débuter un travail avec son chien
Récemment, et plusieurs fois depuis que je partage sur Facebook mon travail avec les chiens, on m’a posé cette question : « Comment est ce qu’on débute un travail avec un chien ? Comment commencer un tour, comment faire comprendre à son chien ce que l’on veut ? » . Aussi fort que j’aimerais vous donner une réponse simple, précise, rapide, je vais peut-être vous décevoir en vous disant : il n’y en a pas. Pas qu’une, du moins, pas vraiment simple, pas vraiment rapide, et dont la précision dépendra de plusieurs facteurs. Mais ne partez pas, je vais tout vous expliquer !
Mise en situation
Je comprends votre situation, j’y suis passée moi-même. J’avais l’impression d’être perdue face à des millions d’informations, un million de « vérités », souvent contradictoires. Plus que tout, j’avais le sentiment de devoir choisir un « clan » et d’y être fidèle jusqu’à la fin des jours. Je me disais que chaque choix que je faisais allait forcément décevoir quelqu’un, et j’avais envie de contenter tout le monde. Je voulais faire au mieux pour mon chien, et je me retrouvais face à des gens qui me disaient faire comme ceci ou cela pour leur chien, et que c’était mieux. Finalement, je ne savais plus s’il fallait que je fasse en fonction des autres, ou en fonction de mon chien.
Spoiler alert, il est bien plus important d’écouter son chien.
La bonne méthode ?
C’est un mot qui peut faire peur, que tout le monde emploie et s’approprie. Mais une méthode, c’est quoi ? Selon (Le) Robert, une méthode est un « Ensemble de démarches raisonnées, suivies pour parvenir à un but. ». Un terme finalement général, pour décrire chacune des actions qui vous aideront à mieux comprendre, et mieux travailler avec votre chien.
Tout d’abord, sachez qu’il n’existe pas de méthode parfaite, toute faite. Vous n’aurez pas une notice d’utilisation universelle, qui s’appliquerait donc à chaque chien de la planète. S’il est bien question de notice, vous découvrirez qu’elle est unique : vous apprendrez à la créer vous-même, pour votre chien. Vous la construirez à partir de vos essais, vos observations, vos réussites, et vos erreurs, parfois.
Si vous vous promenez un peu sur internet, vous tomberez rapidement sur plusieurs dizaines, voire centaines, de « méthodes » différentes. Certaines sont présentées comme « révolutionnaires », « incroyables », « novatrices », « positives », « traditionnelles », « cruelles »… . Il y a de quoi s’y perdre ! Peut-être qu’une en particulier attirera votre attention, par son explication ou ses résultats. Ne tombez pas dans le piège d’en suivre une aveuglément, en pensant que les autres ne lui arrivent pas à la cheville. Restez ouvert d’esprit, cherchez à comprendre pourquoi certaines personnes en préfèrent d’autres. Acceptez de remettre en question vos croyances, essayez diverses façons de faire, et ne vous interdisez pas de piocher ce qui vous intéresse dans plusieurs pots différents.
Une grande amie m’a dit un jour, « Toutes les eaux sont bonnes à boire, si tu as soif »
Alors, comment on commence ?
Pour construire la méthode, les principes
Un autre gros mot : les principes ! Toujours selon notre Robert, les principes seraient des « Connaissances de base. ». Contrairement aux méthodes, qui définissent une partie pratique, des actions qui mènent à un but, les principes, eux, représenteraient la partie théorique. Il est important que vous saisissiez la nuance. Une « méthode » repose sur des « principes ».
Comme je vous le disais juste au dessus, même s’il n’existe pas une méthode toute faite, qui s’appliquerait à chacun des chiens de la Terre, il existe cependant des grands principes incontournables. C’est l’avancée de la science qui nous permet de mieux les définir et de mieux les comprendre.
Appuyez vous sur des principes qui vous ressemblent :
Moi par exemple, je privilégie l’état d’esprit avec lequel mon chien va travailler. J’aimerais que ce soit du jeu, qu’il se sente heureux d’accomplir quelque chose avec moi. Je me suis appuyée sur des principes de bien être. Ma méthode sera construite en partie sur les 5 libertés individuelles de l’animal.
Pour rappel, les 5 éléments fondamentaux du bien-être animal ont été énoncés en 1992 par le Farm Animal Welfare Council puis repris par toutes les communautés scientifiques dont l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et de la santé) et l’OIE(Organisation mondiale de la santé animale) pour une définition collégiale et des normes applicables au bien-être animal.
Allez, pour étayer mon propos, je me risque à la comparaison : prenons l’éducation des enfants en exemple. Auparavant, nous pensions majoritairement que la peur de la punition était fondamentale pour qu’un enfant apprenne. Il retenait ses tables de multiplication pour échapper aux coups de règle en bois sur le bout des doigts. D’un point de vue extérieur, le résultat était satisfaisant : l’enfant connaissait ses tables. Mais qu’en était-il de son état d’esprit ? Etait-il fier de sa réussite ? Ou juste soulagé d’avoir échappé à la punition ? Se sentait-il amusé d’aller apprendre à l’école ? Ou stressé à l’idée d’y rater quelque chose ?
Peu importe la réponse, la motivation était différente. Dans notre cas, l’élève avait-il envie de faire « parce que », plutôt que de « devoir faire, sinon… » ?
Revenons-en à nos chiens, vous avez compris mon idée ?
Comprenez bien que peu importe le résultat, plusieurs voies vous permettront toujours de l’atteindre. La différence se jouera au niveau de l’état émotionnel de l’animal. Quelles voies lui correspondront-elles le mieux ? Gardez cependant en tête ce principe : votre chien sera plus optimiste à l’idée de réaliser quelque chose qui lui apportera une récompense, qu’en pensant qu’il aura une sanction s’il refuse.
Je pourrais ainsi vous parler de renforcement positif. Le concept : renforcer chaque action positive que fait le chien pour lui donner envie de les reproduire. A l’inverse, lorsque nous le voyons faire un comportement qui n’est pas désiré, nous le redirigeons vers une action plus positive.
Par exemple : Je vois mon chiot en train de faire pipi dans ma maison. Je l’emmène tout de suite dehors (même s’il n’a pas fini, courrez viiiiiite ! 😉 ). J’attends avec lui qu’il veuille finir son pipi, et le félicite bien fort lorsqu’il fait ça, dehors.
Certains principes auront été démontrés par des études scientifiques, mais vous en apprendrez d’autres au cours de votre expérience, grâce à votre chien.
S’adapter à son chien
Vous avez peut-être déjà entendu parler de ce fameux renforcement positif. Mais aussi de renforcement négatif, de punition positive, et de punition négative. Alors finalement, quelles sont les différences entre tous ces termes ? Et quelles sont les bonnes choses à faire ?
Voici un tableau explicatif assez simple créé par Julie-Anne Gaudreau que vous retrouverez sur son blog beli concept canin. Il vous aidera à saisir les nuances.
Terme | Définition | Exemple |
Renforcement positif | Donner quelque chose au chien pour augmenter la probabilité qu’un comportement se reproduise | Donner une gâterie au chien à chaque fois que le chien s’assoit quand on lui demande |
Renforcement négatif | Retirer quelque chose de désagréable pour augmenter la probabilité qu’un comportement se reproduise | Un chien qui porte un licou, si on tire à gauche, le chien tournera à gauche pour se libérer de la tension |
Punition positive | Ajouter quelque chose de désagréable à la situation pour faire en sorte qu’un comportement ne se produise plus | Le chien se fait arroser par une moufette en plein visage. Cet événement sera, souhaitons-le, assez désagréable pour que le chien n’essaie plus de s’approcher d’une moufette |
Punition négative | Retirer quelque chose que le chien aime ou veut afin de diminuer le probabilité qu’un comportement se produise | Le chien saute sur vous pour obtenir votre attention. Au lieu de lui en donner, vous quittez la pièce pendant quelques instants. À force de constance, le chien diminuera le comportement de sauter sur vous pour attirer votre attention. |
Le renforcement positif est un sujet incroyablement complet, que je ne pourrais pas développer ici, pour ne pas faire de cet article un roman ! Dites nous dans les commentaires si vous souhaitez que nous vous en fassions un là dessus !
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Certains chiens auront besoin de plus de douceurs que d’autres et inversement… . C’est pour cette raison que la première chose à faire, est de s’adapter à votre chien.
Il est pour moi le point le plus important. Votre chien ne réagira pas comme celui de votre voisin ou de vos parents, sur un exercice que vous voulez travailler, une émotion que vous ressentez. Soyez à son écoute.
Vous adapter à lui vous permettra d’avancer plus vite et d’aller plus loin. Vous travaillez en fonction de ses capacités, de ses envies, de sa motivation, de sa manière de réfléchir, de bouger.
Pour ça, il vous faudra connaître votre chien sur le bout des doigts. Savoir ce qu’il aime, ce qu’il déteste, ce dont il a peur, les heures auxquelles il est généralement fatigué, les moments où il est demandeur d’interactions avec vous.
« Là par exemple, c’est pas le moment… »
Pour avoir les réponses à toutes ces questions, vous devrez l’observer, essayer, vous baser sur des expériences passées, récurrentes. L’idée est de vous créer, dans votre tête, une carte d’identité complète de votre animal.
Etablissons ensemble les points essentiels à connaître sur votre chien pour réaliser cette carte d’identité :
Choix de la récompense
Le premier point sera de trouver la récompense idéale pour votre chien. Là encore, certains ne jurent que par la nourriture, d’autres ne sont pas très gourmands. Trouvez ce pour quoi votre chien serait prêt à travailler, ce qui lui procure du plaisir : de la nourriture, un jouet, des caresses, ou même le fait de faire quelque chose avec vous.
Attention par contre, une fois que vous avez trouvé ce qui a de la valeur aux yeux de votre chien, ne lui donnez pas accès à ces choses, gratuitement. Par exemple, ne lui donnez pas des friandises tout au long de la journée, quand il ne fait rien de particulier. Ne lui laissez pas accès au jouet quand vous ne travaillez pas avec lui. S’il peut jouer des heures avec, et sans vous, il ne verra plus forcément l’intérêt d’y jouer avec vous. Pour les caresses, la règle est la même, s’il est caressé toute la journée, sans raison, la caresse perdra de la valeur et de l’intérêt lorsque vous voudrez le récompenser de cette manière.
À titre personnel, je suis une GRANDE passionnée de frites. Mais si j’avais accès à des frites tous les jours, matin, midi, et soir, je m’en lasserais certainement au bout d’un moment !
A titre personnel toujours, j’utilise les 3 types de récompenses, mais sur des chiens différents.
- Pour Daïka, malinoise, j’utilise la nourriture lorsque je veux qu’elle soit posée et réfléchie (souvent lors des apprentissages) et je la récompense avec une balle lorsque je veux qu’elle prenne de la vitesse.
- Charlie, Epagneul Breton, est récompensé uniquement avec de la nourriture. Il n’est pas intéressé par les jouets, et n’apprécie pas suffisamment les caresses pour qu’elles deviennent une récompense.
- Kodi, croisé Griffon, est un fou de nourriture, mais il aime aussi beaucoup les balles, les jouets sur lesquels tirer… . J’utilise avec lui la récompense alimentaire pour les apprentissages. J’ai la liberté de choisir entre des friandises ou des jouets une fois un tour acquis.
- Orion, Beauceron, a travaillé pour une balle pendant sa première année de vie, ne s’intéressant pas du tout à la nourriture. Il y a peu à peu trouvé un intérêt, et travaille aujourd’hui aussi bien avec une balle, qu’une récompense alimentaire.
- Ookad, Border Collie, travaille sans nourriture. Il aime beaucoup les jouets (surtout ceux sur lesquels il peut tirer), et adore jouer avec moi, se jeter dans mes bras, se faire gratouiller les fesses, lorsqu’il réussit un exercice.
Comme vous pouvez le voir, vous pouvez très bien trouver plusieurs façons de récompenser votre chien. Le tout étant que toutes ces récompenses aient suffisamment de valeur à ses yeux. Les différentes récompenses n’auront également peut-être pas le même effet sur votre chien (plus excité, plus calme, moins réfléchi…). Décidez donc en fonction de vos envies/besoins !
Apprendre un tour : mais comment ?
Comme pour la récompense, la façon d’apprendre un tour dépendra également de votre chien, ses facilités, sa compréhension, et la vôtre, aussi.
Lorsque l’on se lance dans l’apprentissage d’un tour, on se retrouve souvent confronté à la question suivante : oui, mais comment je commence ? Comment je me place ? Comment je lui demande ? Comment je peux l’aider ?
Plusieurs manières s’offrent à vous :
- Le leurre : consiste à amener le chien à faire l’action souhaitée, en le guidant avec une récompense dans la main.
- Le shapping : consiste à amener le chien à faire l’action souhaitée, sans aide de notre part, en le laissant proposer des comportements, et en récompensant chaque étape qui nous amènera progressivement vers le résultat final.
- La Capture : consiste à saisir des actions que notre chien ferait naturellement, et qui peuvent être difficiles à obtenir lors d’une séance de travail (bailler, se gratter, aboyer, piétiner…)
- Le Do as I Do : consiste à se servir du principe du mimétisme pour apprendre à notre chien à reproduire des actions que nous lui montrons. (Technique créée par Claudia Fugazza en 2011)
Il est généralement plus facile de commencer par le leurre. Attention, ce mot n’est pas employé dans un sens réducteur. Il sera plus facile pour vous et votre chien d’apprendre à travailler ensemble, de comprendre comment chacun bouge, d’apprendre à faire des mouvements clairs et précis. Vous aurez également moins de chance de récompenser une mauvaise action.
Peu importe la technique que vous souhaitez utiliser, veillez à être clair dans vos demandes, pour ne pas que votre corps donne trop d’informations à votre chien. Sur ce sujet, je vous renvoie sur notre article : Comment le théâtre m’a fait progresser avec mon chien ? qui vous explique comment communiquer avec votre chien.
Selon la technique toujours, n’oubliez pas que ce sont des techniques d’apprentissage, vous devez pouvoir vous passer du leurre rapidement, et votre chien ne doit pas continuer de vous proposer des comportements à longueur de journée. Soyez très clair lorsque vous commencez une séance, et que vous êtes ouvert aux propositions, et lorsque vous la terminez.
En parlant de séance, comment savoir combien de temps peut-on travailler avec notre chien ?
Le temps de travail
Au risque de me répéter, le temps de travail dépend également de votre chien. C’est d’ailleurs une question qui revient régulièrement. « Tu travailles tes chiens combien d’heures par jour ? ». En réalité, le travail journalier ne doit pas se compter en heures, mais en minutes. Il n’est pas nécessaire d’en faire trop, cela pourra même dégouter votre chien. 15 minutes de travail journalier sont amplement suffisantes pour observer des progrès !
Aussi, pour savoir comment débuter un travail avec un chien, il est important de savoir quand l’arrêter. Lorsque vous êtes en pleine séance de travail avec votre chien, vous devez être attentif aux signaux qu’il vous envoie, et qui vous montreront qu’il est temps de faire une pause. Une fois ce signal repéré, tachez de vous arrêter juste avant. Gardez en tête qu’il vaut mieux arrêter une session trop tôt, que trop tard. La raison ? Votre chien sera en pleine phase de motivation, content de travailler, et sera même un peu frustré de s’arrêter si vite. Cette frustration sera bénéfique pour lui donner envie de recommencer.
Savoir quand s’arrêter, est une notion importante pour la vie de tous les jours également. Une fois que nous avons pris goût au travail avec notre chien, et que nous sentons qu’il aime ça lui aussi, il peut être tentant de vouloir faire pendant des heures. Par exemple, même si le fait de savoir travailler en extérieur peut être bénéfique pour votre chien, tâchez de ne pas le sur-solliciter pendant ses balades. Il est important pour lui qu’il puisse avoir du temps pour renifler, faire ses besoins, courir, sauter dans des flaques… faire sa vie de chien !
Comme pour tout, faire quelque chose avec excès peut avoir un effet néfaste. En plus du risque de dégouter votre chien du travail et de le démotiver, solliciter trop souvent un chien aura tendance à le rendre trop dépendant, toujours en demande, et il ne saura pas forcément se poser tranquillement, dormir, vous laisser tranquille.
Pour conclure ?
Vous l’aurez compris, cette question est loin d’être simple ! Ce qui la rend si complexe vient du fait qu’elle dépende de nombreux éléments, et du fait que chaque chien fonctionnera différemment ! N’oubliez pas qu’il n’existe pas de méthode parfaite, si ce n’est celle que vous créerez spécifiquement pour votre chien. J’espère que cet article vous permettra de mieux comprendre les principes d’apprentissage de votre chien. Le mot principal ici sera : l’adaptation. Adaptez-vous à ce qu’il aime pour le récompenser, à son rythme pour les sessions de travail, à sa motivation pour leur durée, et à ses envies pour la régularité des séances. Point important également : adaptez-vous à…. Vous ! Cette relation ne peut fonctionner qu’à deux. Votre motivation et vos envies, sont aussi importantes que celles de votre chien. Suivez une façon de faire qui vous ressemble et dans laquelle vous vous retrouvez.
N’oubliez pas qu’il n’existe pas de méthode parfaite, et que vous avez le droit de faire votre propre mélange, comme chacun à le droit de faire le sien. Echangez, débattez, apprenez !
Vous verrez que vous enseignerez autant à votre chien qu’il vous apprendra lui-même. Soyez instructeur, et élève à la fois.
Merci de nous rappeler ces bases utiles Juliette 🙂
Avec plaisir !